« Face aux grands défis du XXIe siècle : des faux espoirs aux espoirs lucides »

Conférence de Arthur KELLER

Les Entretiens de Robinson[1] ont invité, sur le thème « Le courage d’espérer », l’ingénieur expert en risques systémiques Arthur KELLER.

Le conférencier a commencé par balayer l’idée de traiter séparément chacun des déséquilibres apparus dans notre système planétaire : ce serait comme soigner un cancer généralisé avec du paracétamol qui n’agira que sur le symptôme du mal de tête. Il a ensuite, graphiques à l’appui, dressé l’état des lieux alarmant sur lequel nos sociétés commencent à peine à ouvrir les yeux. Ayant ignoré les préconisations du rapport Meadows de 1974, ainsi que le point fait en 2004 sur les évolutions constatées—voir la version française du rapport, Les limites à la croissance (dans un monde fini): Le rapport Meadows, 30 ans après—, nous avons atteint, et en grande partie déjà dépassé les 9 seuils au-delà desquels la Terre n’est plus habitable. Les impacts de la surexploitation de la planète touchent le système Terre en son entier. « Notre activité est une machine qui transforme la nature en déchets ». Le chaos menace : en ce moment même les producteurs européens d’engrais ferment leurs usines, faute de gaz, et l’envol du prix du pétrole va ruiner notre modèle agricole.

La réponse, selon A. Keller, ne peut être que systémique et totale. Elle doit acter l’idée que les ressources naturelles sont épuisables et non substituables, admettre que les technologies sont inopérantes sur le mal global, renoncer aux solutions locales ou nationales, voire mondiales (Green New Deal…) de maintien de la croissance. Elle impliquera de consommer définitivement beaucoup moins d’énergie et moins de matières premières et touchera tout ensemble les transports, les infrastructures, les technologies, l’alimentation…

Alors, quoi faire ? Atténuer le mal, s’y adapter ? Inutile. Et ne comptons pas sur les États. Il faut une résilience qui commence par les individus et de proche en proche anime tous les acteurs sociaux : de nouveaux récits, une conversion, une auto-organisation collective, et à force de conversations construire des alternatives stimulantes et tendre vers l’autosuffisance des territoires. Il faut des inspirateurs, des organisateurs, des facilitateurs, des faiseurs. Le nerf de l’avenir est d’abord humain. Les ressources dès lors ne manqueront pas : solutions low tech, matériaux biosourcés et géosourcés, relocalisation et réindustrialisation pour produire les denrées essentielles, réaménagement des territoires et préservation des terres, autonomie en intrants (semences, main d’œuvre…), végétalisation vivrière des villes, mise en commun des stocks et gestion collective des communs (air, eau, etc.), régulation maximale des prix… Imaginons et partageons les idées, faisons, expérimentons, et nous serons en droit alors d’espérer qu’un modèle de sobriété heureuse fait de mille astuces anciennes ou nouvelles infusera les sociétés et rapidement s’imposera.

 

Pour voir une conférence d’Arthur Keller avec la même présentation – cours d’Arthur Keller  à CentraleSupélec le 13 octobre 2021 https://www.youtube.com/watch?v=FoCN8vFPMz4

[1] Les Entretiens de Robinson sont une série de 3 conférences annuelles fondées en 1986 par Paul Ricœur et organisées au temple réformé dit « de Robinson », 36 rue Jean Longuet à Châtenay-Malabry.

Date

03 Oct 2022
Expiré!

Organisateur

Les entretiens de Robinson
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