Les scénarios énergétiques pour la France en 2050 : que faut-il en retenir ?

AUTEUR : Joseph MAIRE     ♦  PUBLICATION : Mai 2023  ♦  SOURCES : indiquées dans le texte avec des liens

Quelle est la situation ?

Afin de stabiliser le réchauffement climatique sous les 2°C, les Etats ont signé en 2015 les accords de Paris dans le cadre de l’ONU. Pour tenir ces engagements, la France s’est dotée d’une stratégie bas-carbone afin de mettre en œuvre la transition vers une économie sobre en gaz à effet de serre (GES). Cette stratégie prévoit notamment qu’en 2050 notre pays n’émettra pas plus de gaz à effet de serre qu’il ne pourra en absorber sur son territoire. Ceci suppose entre autres d’abandonner quasi complétement l’usage des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) dont l’utilisation est la principale cause de l’émission des gaz à effet de serre. Ces énergies représentent environ 60% de notre consommation énergétique.

Energie et puissance : ne pas confondre !

  • En physique, l’énergie est la capacité d’un système à agir sur un autre système afin de modifier son état, par exemple sa vitesse, sa température, avec émission ou pas de lumière, son aspect (solide, liquide, gaz), ses propriétés physiques …
  • L’unité de base de l’énergie est le joule (J) : 1 joule permet de soulever ≈100g d’un mètre.
  • La puissance d’une machine est l’énergie qu’elle fournit (ou consomme) par unité de temps : un watt est la puissance d’une machine qui fournit (ou consomme) un joule toutes les secondes. Un Wh est l’énergie fournie ou consommée par une machine de1 watt pendant 1 heure.
  • Kilowatt-heure (kWh) : Energie produite ou consommée par un appareil d’une puissance de 1 000 watts à pleine puissance pendant une heure.
  • 1 kWh = 3,6.106 Joule (soulever 360 kg à 1000m de haut…)
  • La puissance d’un bon cycliste est de 200W : il devra donc pédaler 5 h pour produire un kWh.
  • On utilise aussi le watt-heure (Wh) et des multiples par milliers du kWh que sont le mégawatt-heure (MWh), le gigawatt-heure (GWh) et le térawatt-heure (TWh).
  • Pour l’année 2019, la consommation d’électricité brute en France s’est élevée à 474 TWh.

Comment se passer des énergies fossiles ?

Différents leviers d’actions sont imaginables présentant tous une part de risque et d’inconnu quant à leur développement :

  • Réduire les émissions ?
  • Réduire la consommation d’énergie (efficacité/sobriété/…)
  • Remplacer les énergies fossiles par des énergies décarbonées
  • Eviter la déforestation et l’artificialisation des sols
  • Augmenter les puits de carbone ?
  • Développer les puits de carbone naturels (désartificialisation des sols, développement de certains types d’agriculture plutôt que d’autres, …)
  • Développer des puits de carbone artificiels

Il s’agira en un peu plus de 25 ans de réduire fortement la consommation d’énergie nationale. Afin d’alimenter les débats des élections présidentielles de 2022, le Réseau de Transport de l’Electricité, l’Agence De l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie, et l’association Négawatt se sont mis au travail et ont produit des scénarios pour y parvenir.

Les grands scénarios en présence

Trois scénarios de consommation électrique sont proposés : scénario de référence, scénario de « sobriété » et scénario de réindustrialisation profonde modulés par des variantes : électrification plus ou moins rapide de la consommation finale, manque de résultat de l’efficacité énergétique ou accélération de la production d’hydrogène décarboné.    
Face à cela, six scénarios de production sont proposés : 3 scénarios « M » sans construction de nouveaux réacteurs nucléaires et 3 scénarios « N » avec de construction de nouveaux réacteurs. Le tout fait l’objet d’analyses variées afin d’éclairer les décideurs.

L’ADEME a choisi de développer 4 grands scénarios « qui présentent de manière volontairement contrastée les options économiques et techniques et de société pour atteindre la neutralité carbone ». La comparaison de ces scénarios est faite sur différents critères technico-économiques, sociaux et environnementaux contrairement aux scénarios RTE qui sont plus focalisés sur les aspects techniques et économiques. 

Ce scénario est le quatrième conçu par l’association Négawatt (le premier datant de 2003). Cette nouvelle version prend en compte les évolutions des contextes économiques, technologiques et énergétiques mais intègre aussi des nouveautés comme le couplage avec les scénarios Afterre (questions agricoles, forestières et alimentaires) et négaMat (consommation de matières premières). Ce qui caractérise ce scénario unique est de viser à la neutralité carbone en 2050 avec uniquement 100% d’énergie renouvelable sans nucléaire (pas de nouvelle prolongation de la durée de vie des tranches actuelles ni de construction de nouvelle tranche). 

Les enseignements partagés

Un certain nombre de conclusions et d’enseignements sont largement partagés par ces scénarios : 

  • Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut baisser très fortement la consommation nationale en énergie
  • Agir sur l’efficacité des procédés de transformation de l’énergie ou de la matière utilisés pour fournir des biens et des services est indispensable (l’industrie va notamment devoir se transformer) mais cela ne suffira pas et un effort important sobriété est à faire dans une majorité de scénarios
  • La part de l’électricité et des énergies renouvelables non électriques (récupération de chaleur, géothermie, bio-carburant) doit augmenter fortement dans le mix énergétique avec des variantes selon les scénarios
  • La part d’énergie renouvelable dans la production électrique doit aussi augmenter quelques soient les options nucléaires retenues
  • Les prérequis techniques et sociétaux varient selon les scénarios avec des degrés d’incertitude parfois très importants et des degrés d’appréciation variables
  • Le vivant est un des facteurs centraux de cette transition notamment pour le stockage de carbone, le maintien/renforcement de la production de biomasse (alimentation, énergie, matériaux, …) et la réduction des gaz à effet de serre.

En conclusion, quelque soient les options retenues, il y a urgence à se mobiliser et à agir à tous les niveaux (individus, collectivités, entreprises, services publics…).

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